Bonjour à tous,
La dernière fois que j’ai été à la montagne, c’était en été. J’aime bien le ski, mais cela fait si longtemps que je n’ai pas skié qu’il faudrait que je réapprenne même à chausser les spatules. Ce n’est pas moi qui aurais pu me retrouver à Sotchi. En même temps, ça ne me manque pas. J’adore la neige quand je suis en vacances (et seulement dans cette configuration) mais je n’en rêve pas, du moins je n’en rêvais pas.
La nuit dernière, je devais dévaler une piste bleue. La même affreuse piste bleue que jeune collégienne, j’avais dû dévaler au cours de mon apprentissage de la discipline. Je vous passe les détails inutiles, ce jour-là j’avais fini par en voir le bout.
Dans mon dernier songe, je revoyais toutes ces bosses irrégulières et tandis que je regardais cette pente peu avenante, je me disais que jamais je n’arriverais à descendre. Ah oui parce que dans mon rêve, j’étais aussi bonne skieuse que dans la vie. Pourtant par un miracle que j’aurais aimé voir se produire lorsque j’avais onze ans, je me suis retrouvée en bas en un clin d’œil. Sans avoir dévalé la pente. Un moment j’étais en haut, reculant au lieu de me lancer (comme quand j’avais onze ans) et peu après, j’étais en bas. Il me semble qu’il s’est passé des choses entre les deux, ceci explique peut-être cela…
Quoiqu’il en soit je me suis réveillée ayant en tête cette piste bleue pleine de bosses encore plus impressionnantes d’en bas que d’en haut.
« Certains dévalent des pistes bien plus difficiles et dangereuses, ma douce Sylvie. », me dit Jophiel.
Il parait oui, j’en ai entendu parler, la bonne nouvelle c’est que je ne les ai jamais vues.
« Tu gardes un bon souvenir de ce séjour au ski ? »
Oui, c’était sympa, je m’étais beaucoup amusée.
« Tu aimais bien les voyages scolaires ? Lors du voyage en Allemagne tu as fumé et bu de la bière pour la première fois. »
Lol !!!
« Tu es allée dans des pubs et c’est le père de ta correspondante qui prenait soin de déposer devant l’établissement les deux adolescentes que vous étiez. »
Normalement il fallait avoir seize ans pour entrer, l’âge légal pour boire en Allemagne, mais en fait ils étaient plutôt permissifs. Du moment qu’on entrait avec quelqu’un qui avait l’âge c’était bon. Ma correspondante et moi en avions quatorze. On m’avait expliqué qu’en Allemagne les parents font confiance d’abord et sévissent ensuite en coupant toutes les permissions en cas d’abus. Quand l’enfant rentre bourré à pas d’heure par exemple en se faisant remarquer.
C’était arrivé à certains de nos correspondants en l’occurrence.
« Mais toi, tu n’as pas apprécié le goût de la bière, ni celui du tabac. Pourquoi n’as-tu pas essayé les autres alcools ? »
Je n’avais pas envie, je voyais les mêmes se saoulés tous les soirs, je voyais comment ils étaient et je n’avais pas envie. Le meilleur élève de la classe des Allemands rentrait bourré tous les soirs à minuit passé. Il avait l’habitude de beaucoup sortir. Mais comme il obtenait d’excellentes notes, ses parents ne disaient rien.
« C’était différent de ce que tu connaissais n’est-ce pas ? »
Ah c’était un autre monde ! A cette époque je devais demander la permission pour regarder un film tard le soir. Par tard entendez, qui m’empêchait de me coucher à 21h30. Il y avait des règles chez moi, voyez-vous.
« L’Allemagne, terre de libertés ? »
Cela y ressemblait, je pouvais faire tout ce que je voulais là-bas et avec la bénédiction des adultes qui veillaient sur nous.
« Et plein d’argent pour faire du shopping. »
Ma mère m’avait gâtée pourrie, elle m’avait donné pas mal d’argent. Alors que mon père aurait voulu que je ne parte pas. Vive maman, j’ai fait plein d’achats.
« Les choses étaient faciles en ce temps. »
Comme tu dis.
« Quand tu avais onze ans, cette piste bleue t’avait donné du fil à retordre. »
Comme je l’ai dit au départ, je ne souhaite pas entrer dans des détails inutiles.
« Mais après bien des difficultés vu que tu skiais alors depuis peut-être trois jours, tu avais fini par arriver en bas. Comme quoi, même les descentes peuvent être difficiles. Dans ton rêve les bosses étaient énormes. Les creux profonds. Une descente périlleuse.
Vous avez l’habitude de parler de montée sur le plan spirituel ou du moins d’avancée. La descente est rarement perçue comme quelque chose de positif. Sauf qu’elle peut représenter une rentrée en soi, une introspection salutaire. Dans certains cas assez facilement identifiables.
Dans quelques autres cas, il n’est pas difficile de faire des rapprochements. Dirais-tu que tu mènes la vie que tu imaginais pour toi ? »
Pas exactement je crois…
« C’est dommage cette disparition de toute ta motivation juste au moment où tu t’apprêtais à finir tes études et à emboîter sur un judicieux choix de carrière. »
Je tâcherai de mieux réussir ce virage-là dans ma prochaine vie. Comme ça je ferai comme mes copines, je trouverai vite un bon boulot, j’achèterai un appartement que je louerai avantageusement quelques années après, ce genre de choses.
« Et tu posteras des photos de tes vacances à Dubaï ou ailleurs sur Facebook. »
Voilà !
« Pourquoi n’es-tu pas plus amère ? Tu es en train de plaisanter avec moi. »
Tu sais, je me dis que Dubaï ne va pas disparaître demain, ce que je n’ai pas fait hier je pourrai peut-être le faire plus tard, ce n’est pas grave. Et puis je me souviens de ce qui s’est passé, un matin je me suis réveillée en sachant que je ne pouvais pas continuer dans la direction que je prenais. Je n’avais pas de plan B, pas de sou non plus. Ca ne m’arrangeait pas dirons-nous. Mais je ne suis pas morte.
Le plus comique est que finalement, je constate que je reprends cette direction. Ca fait une grande boucle, je me suis demandée pourquoi. Je vois beaucoup d’autres qui construisent d’abord leur vie matérielle avant un jour d’entendre un appel spirituel. Je me suis demandée pourquoi ça ne s’était pas passé comme ça pour moi. Avant de me rendre compte qu’avant ou après, ce n’est pas grave en fait.
« D’autres ont fondé des familles, acheté des maisons, des terrains, la voiture qu’ils voulaient. »
Ils n’ont pas descendu de piste bleue donc ?
« Ils sont en route vers le sommet des pistes. »
Eh bien, je n’ai pas vu le téléphérique mais il ne doit pas être loin. Je suis même prête à emprunter le tire-fesses. Je vais marcher un peu, je vais finir par tomber dessus.
« Et il y avait quelqu’un à côté de toi au pied de la piste ? »
Non, personne. J’étais toute seule. Pourquoi ?
« Pour rien. Tu sais quelle direction prendre ? »
Euh, je crois que je trouverai bien. Dans mon rêve j’étais tournée vers la droite.
« Dans la neige et le froid. »
Il ne faisait pas froid, il y avait juste la neige.
« Peut-être qu’il n’y aura pas de téléphérique, peut-être que les pistes, c’est fini. »
Ah bon ? Donc pas de sommet pour moi ?
« Ah, tout ce qui monte doit redescendre, certains se dirigent vers les sommets. »
Ah…
« Eh oui, avant ou après tu as raison, ce n’est pas grave. Alors effectivement tu as repris ta direction de départ. Tu as trouvé un travail directement en rapport. Mais es-tu la même personne qu’il y a neuf ans ? »
Je pense être plus mature. Et j’aime sincèrement la femme que je suis.
« Une page se tourne peut-être alors, il est temps d’en écrire une autre. Pas forcément un chapitre sur Dubaï mais cette page sera peut-être intéressante quand même. »
Tu as raison, il parait qu’Abu Dhabi aussi…
« Tu sais ce qu’il y a de comique également c’est de discuter avec de vieux amis et de découvrir qu’ils ont réalisé la boucle inverse. Qu’au lieu de descendre, ils sont arrivés au sommet des pistes. Pour réaliser que finalement à l’intérieur, ils restent en quête des mêmes choses. Ou de la même chose. »
Parfois on a l’impression que la vie se moque un peu de nous c’est clair. Autant en rire. Je sais bien qu’il y a pire qu’une piste bleue. Et que c’est chouette de voir s’ouvrir une porte professionnelle intéressante.
« Toi aussi tu vas pouvoir construire. »
Voilà, moi je suis optimiste, je me dis que des tas de choses restent possibles et je n’ai pas encore vu de photos de vacances en Nouvelle-Zélande sur Facebook, je pourrais y aller moi. Pourquoi pas ?
Je voyage d’abord et si par hasard il me reste des sous j’achèterai une maison. Non, c’est pas ce qu’il faut faire ?
« C’est comme investir dans un appareil photo au lieu de faire réparer sa voiture. »
Tu te rends compte ? A se demander où certains placent leur priorité. C’est une véritable honte…
En même temps, tant qu’elle roule… Non ?
« Où places-tu tes priorités ? »
Eh bien, ma principale priorité est de m’assurer que la cuisson des langoustes sera parfaite le jour de la fête qu’on va donner pour ma démission. La deuxième est la tenue que je porterai le premier jour du carnaval et que je n’ai pas encore trouvée. La troisième est de maîtriser toutes les fonctions de mon appareil photo au plus tôt. Voilà.
« Tu es plus mature aujourd’hui disais-tu. »
N’est-ce pas ?
« Disons que tu es beaucoup plus réaliste. Tu as compris ce qui vous rend réellement heureux, c’est bien. Amuse-toi bien avec ton appareil. Et si tu acceptes un conseil, avant de faire réparer la voiture, tu devrais t’offrir un voyage pas loin. Ce sera l’occasion de faire de belles photos. »
J’accepte ton conseil oui !
Bise à tous