Bonjour à tous,
Aujourd’hui j’ai été chez le coiffeur. J’étais là, joyeuse et de bonne humeur en ce joli samedi quand soudain, j’ai eu envie d’aller chez le coiffeur me faire faire un brushing. Cela faisait des années que je n’avais pas eu les cheveux raides. Les miens sont frisés.
J’y suis donc allée, j’ai demandé un shampoing-soin plus brushing. Pourquoi ne l’ai-je pas réalisé moi-même, avec mes petites mains et un fer ? Nous avons un fer. Il est là quelque part…
Je vais vous confier un secret, je DÉTESTE me lisser les cheveux. Ils me font sentir de toute leur force que je les contrarie en voulant absolument les raidir et du coup il me faut une bonne heure pour les mettre en forme. Une heure à agiter mes bras qui à la fin fatiguent et donc me font sentir que j’en ai assez et que j’aimerais mieux faire autre chose. N’importe quoi d’autre.
Alors, quand cette envie de brushing s’est manifestée, j’ai fait la seule chose sensée, je suis allée chez le premier coiffeur venu. C’est bien aussi le premier coiffeur venu, c’est comme ça que j’avais fait déjà pour ma couleur. Non, vous n’auriez pas fait pareil ? Bon.
En même temps, je suis une grande aventurière, je n’ai peur de rien. Sauf des ciseaux. Quand la coiffeuse a parlé de me couper les pointes, j’ai protesté énergiquement. C’est alors qu’elle a sorti son arme fatale, le miroir. Elle a placé un miroir derrière moi pour que je puisse voir dans le miroir de devant qu’il devenait urgent de tout égaliser. La méchante.
Je l’ai laissée couper. Un peu. Je lui avais bien dit que je ne voulais pas me retrouver avec une coupe trop courte. Elle a ri. Et m’a laissé le second miroir pour que je vois ce qu’elle coupe.
Finalement je suis contente. Je les garderai comme ça quelques jours puis je les les laisserai friser à nouveau. Et si dans quelques temps j’ai de nouveau envie d’avoir les cheveux raides, je retournerai la voir. Je l’aime bien. Elle et son franc parler.
J’ai réalisé, notamment grâce à un de mes nouveaux collègues et le mari d’une amie que j’ai peur de dire exactement ce que je pense. Dans certaines circonstances. Je souhaite corriger cela. Pas en devenant la méchante fille qui n’est plus capable de faire preuve de tact. On n’est jamais obligé de dire, tu as l’air grosse dans cette robe. On peut dire, je pense qu’un autre modèle te mettra davantage en valeur.
« On t’a très souvent reproché de dire ce que tu pensais. », me fait remarquer Sammael.
Oui, mais j’ai compris que…
« Ce qu’il faut comprendre c’est que ceux qui te l’ont reproché avaient toujours le dessus sur toi, de par leur position. Tu as l’habitude du mode survie. C’est de cela dont tu es en train de prendre conscience. Tu cherches le moyen de repasser en mode zen.
Je vais te le dire bien franchement, il est encore loin de t’être accessible. Tu fais la sourde oreille mais je vais te le répéter, cette transformation intérieure que tu as amorcé prendra du temps et il n’y a pas de raccourci. Pour dépasser un traumatisme, il faut guérir toutes les blessures qu’il a pu engendrer.
Prends le temps de vivre, c’est le plus simple. Tu auras encore envie de te cacher et de te protéger. Ne te blâme pas pour cela. Petit à petit tu te rendras compte qu’il n’y a plus de raison de craindre quoi que ce soit. Petit à petit. Pour l’instant, ne te force pas. Il n’y a pas de solution dans la violence envers soi.
Ne t’inquiète pas des remarques que l’on peut te faire, tu as besoin de te sentir en confiance pour pouvoir te confier par exemple. Ce n’est pas grave. D’accord ? »
D’accord.
« Il est important dès à présent de rechercher et de cultiver la douceur dans ta vie. C’est ce qui te fera le plus de bien. Ce matin tu as pris conscience que si tes parents t’aiment et te le montrent chaque jour, tu ne vis pas que dans un environnement empli de douceur. Tu veux m’en parler ? »
Non, pas maintenant.
« Je vais insister. Je suis là pour t’aider, je te tends la main. Tu peux me parler. »
C’est juste que, mes parents sont très gentils tu vois.
« Oui, ils sont aimants envers vous trois. Ils sont là pour vous. »
Ils vont chercher ma sœur au travail quand elle finit trop tard pour le bus et que son fiancé n’est pas disponible. Quand mon frère est malade, ils vont le chercher et le ramènent à la maison. Pour le soigner. Ils ne le ramènent chez lui que quand il n’a plus de fièvre.
Mes parents sont gentils avec nous.
« Oui, c’est exact. Bon, ton père te préfère avec les cheveux frisés. »
Oui lol, parce que c’est leur état naturel. Il dit qu’il ne comprend pas que les femmes noires défrisent leurs cheveux. Il nous a critiquées pendant des années pour ça. Ma sœur, ma mère et moi. Moi je ne le fais plus, pour d’autres raisons.
« Ta mère trouve que tu es très bien ainsi mais surtout avec les cheveux un peu plus clairs. »
Oui, elle adore. Moi aussi, ça me donne un air plus doux.
« Que pense ton père de la nature de tes cheveux ? »
Leur nature ? Le fait qu’ils soient frisés et non pas crépus ? Son propre père n’avait pas les cheveux crépus.
« Que pense-t-il des tiens ? »
Il n’en parle pas.
« Et que pensent tes cousines ? »
Elles voudraient les mêmes pour certaines. Ma sœur voudrait les mêmes. D’autres ont les cheveux que moi j’aurais voulu avoir, plus épais et plus foncés.
« Les tiens sont très fins. »
Oui. Heureusement qu’ils ne sont pas naturellement plats, je n’aurais rien pu faire avec !
« Et en les lissant tu les aurais rendus encore plus plats. »
Je déteste me voir avec des cheveux tout plats, une des raisons pour lesquelles je ne les défrise plus en fait.
« En Martinique personne ne te demande si tu es métisse. Sauf les coiffeurs qui remarquent que tu as une nature de cheveux peu naturelle justement. »
Je ne suis pas métisse. Mes deux parents sont noirs.
« Ils sont comme beaucoup de Martiniquais qui n’ont pas toujours vécu en Martinique. »
Ils se sont entendus dire à maintes reprises qu’ils ne pouvaient pas être Français puisqu’il sont noirs et ils ne l’ont jamais oublié. Ceux qui ont toujours vécu ici ne connaissent pas cette souffrance-là. Mais, on peut la dépasser aussi. Moi aussi j’ai entendu ça.
On ne va pas faire que se haïr les uns les autres. A quoi ça sert ? Il y a des Intelligents partout, on peut sympathiser avec eux, pour les autres, autant les laisser à ce qu’ils sont et là où ils sont.
Je sais pourquoi papa préfère mes cheveux frisés à mon brushing.
« Tu te souviens de cet ethnologue qui t’avait demandé d’où tu venais ? »
Oui, il m’avait dit que les traits de mon visage ne devraient pas être présents sur une seule personne, qu’ils renvoient à divers races. Je lui ai dit que j’étais Martiniquaise. Il m’a répondu oui mais avant ça ? J’avais aimé cette conversation, cet homme était cultivé et intelligent. J’ai aimé ce qu’il m’a dit et le fait qu’il s’intéresse à l’Humain avant tout.
« Une autre personne t’avait fait ce type de remarque. »
Oui, une copine à la fac qui un jour m’a dit, tu n’as pas les traits de type négroïde, tu viens d’où ? Moi je suis noire. Mais j’ai compris depuis longtemps qu’il n’y a qu’une seule humanité.
« Et tes parents ? »
Ils le savent aussi. Seulement ils éprouvent un fort sentiment d’injustice vis-à-vis de ce qu’ils ont pu vivre. Ce sont eux qui m’ont parlé des médicaments périmés que le gouvernement a envoyé en Guadeloupe et en Martinique pendant des années ou du fait que durant longtemps il n’y a eu que deux lycées en Martinique et que du coup des générations entières, dont la leur ont dû interrompre leurs études très tôt pour se tourner vers des emplois peu intéressants ou rémunérateurs. On les envoyait en France pour ce type de postes justement.
Ils font partie de ceux qui se sont battus pour que ma génération ne subisse pas de tels traitements. Ils m’ont raconté tous les deux qu’ils avaient eu du mal à trouver des logements parce qu’ils étaient noirs ou que certains patrons les recevaient en leur demandant quand ils comptaient retourner aux Antilles alors qu’ils passaient un entretien. Ils se souviennent de beaucoup de choses mes parents. Et ils ne sont pas stupides. Simplement ils gardent comme une blessure, l’ambiance ici n’est pas douce.
Il faut toujours que quelque chose les renvoie à cette blessure qu’ils ne veulent pas voir cicatriser. C’est épuisant. Pour moi qui suis là avec eux, c’est épuisant.
J’aimerais que ma maison soit le refuge doux et calme dont j’ai besoin. Avec plus d’Amour que de revendications.
« Qui sait, peut-être seras-tu entendue petite princesse. »
Lol. Merci Sammael.
Bonne journée à tous
Naïade
1 avril, 2014 à 7:26
Bonjour à tous,
Ce message me touche énormément Sylvie.
Mes origines très proches (parents) ne se lisent pas du tout sur mon visage (à part pour certains anciens), mais dans mon nom.
Je connais le genre de remarques déplacées que cela génère, sur le type, l’origine ethnique et même le caractère!
Je sais aussi que les lignées qui ont souffert de l’empire colonial (ou de la ségrégation, de guerres, de la shoah, bref de violences traumatiques…) dans toutes les parties du monde, continuent pour certaines de transmettre leur souffrances et leurs plaies à leurs enfants comme une exigence de fidélité à ce qui a été vécu.
Il est du devoir de chacun d’essayer non pas d’oublier, mais de se détacher de cette violence: subie dans le passé et entretenue dans le présent par les descendants.
Sur ces bonnes paroles (ça ne mange pas de pain!), je nous souhaite à tous une belle journée sur terre
lapriereducompositeur
31 mars, 2014 à 3:58
En 2009 j’avais un projet de coloc avec une amie noire à Paris…
Je n’étais pas sur place, je ne pouvais pas faire les recherches…
Elle n’a jamais trouvé. L’ironie c’est qu’elle est française et moi je suis l’étrangère… Mais j’aurais trouvé plus facilement manifestement.
Au final je n’ai jamais habité Paris.
Pourtant les parisiennes m’ont tout de même brisé le cœur… Allez comprendre… -_-
De bisous
Laurence
30 mars, 2014 à 21:27
Bonsoir,
Je m’apprêtais à laisser un commentaire, mais celui d’Emilie dit tellement bien ce que j’avais en tête que je vais me contenter de m’incliner.
Bises
Lilianah
30 mars, 2014 à 17:20
Tu y arriveras, j’en suis certaine
Bisous !
Emilie
30 mars, 2014 à 11:39
Bonjour Sylvie,
C’est agréable de pouvoir changer de tête et d’apparence de temps en temps et cela donne l’impression qu’en changeant la forme, on pourrait également changer le fond. Le regard des autres sur nous est un perpétuel miroir qui peut aussi être blessant.
Je me souviens de collègues parlant d’une femme de leur connaissance, qui venait de perdre son mari des suites d’un long cancer. Elles avaient eu cette remarque qui m’avait glacée : »le plus étonnant c’est que lorsqu’on la voit, cela ne se voit pas (comme s’il ne lui était rien arrivé). »
Merci de nous donner des images de la vie au travers de ton miroir et merci à ceux qui éclairent si patiemment son reflet.