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Tout a un sens

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Tout a un sens 14040102402117181812113747

Bonjour à tous,

J’ai un gros souci, il y a quelque chose qui me gêne dans mon travail mais je ne peux pas contourner.

« Et qu’est-ce donc ? », me demande Roéchel.

Les saisies immobilières. Cela me heurte. Il y a quinze jours, nous avions mis en vente ce terrain spacieux et extrêmement bien situé à un prix défiant toute concurrence. En outre il était constructible. TOUS mes collègues se disaient qu’ils regrettaient amèrement de ne pas avoir de quoi enchérir. Je ne compte plus le nombre de personnes qui m’ont dit être prêtes à profiter des bons plans de ce type dont je pourrais leur parler. Y compris ma propre mère qui est dans l’immobilier.

Je ne suis pas stupide, moi aussi j’ai vu la situation du terrain, le prix de départ. J’aurais conseillé à n’importe qui d’y aller. C’était vraiment une super opportunité. Mais je me suis rendue compte d’une chose, cela me heurte.

« Ce terrain, il s’est vendu ? »

Tu plaisantes, les enchérisseurs se sont précipités. Un terrain de cette taille, tu le morcèles facilement tu revends une partie et tu fais construire un immeuble sur ce que tu gardes. Mes collègues n’ont pas compris que le vendeur ait laissé le bien être saisi. Nous laissons toujours aux gens la possibilité de vendre par eux-mêmes, pendant un temps.

Je ne comprends pas qu’il ne l’ait pas fait, c’était idiot de sa part. Il a perdu une fortune. On vend toujours les biens en-dessous de leur valeur vénale dans le cadre d’une saisie. 

Même en morcelant le bien il s’en serait mieux tiré.

« Contrairement à cette femme qui a sauvé sa maison en saisissant la commission de surendettement. »

Mon chef était furieux, il l’a vraiment eu mauvaise. Je l’entends encore hurlant que la Banque de France favorisait les comportements irresponsables etc…

Mais cette femme a eu raison de se chercher une porte de sortie. Elle vit avec huit cent euros par mois, même en vendant ses biens, elle aurait réglé ses dettes mais se serait appauvrie. Elle aurait dû louer un studio quelque part, vivoter avec ce qui lui serait resté en-dehors du loyer…

Elle a eu de la chance d’avoir la présence d’esprit de ne pas céder à la panique et de chercher une solution concrète à ses problèmes. On allait saisir sa maison juste au moment où la Banque de France nous a écrit.

« Et ce nouveau dossier que tu as reçu ? »

Mon chef va être tellement furieux, je n’ai pas hâte de lui faire part de la proposition de la commission. La dame vit avec deux mille euros par mois, ses charges s’élèvent à mille huit cent et la commission a proposé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation soit un abandon pur et simple des dettes.

Je ne peux pas accepter une telle proposition, on va aller devant le juge. La dame est capable de rembourser ce qu’elle nous doit, même si ça doit prendre du temps. En plus on avait pris un gage sur sa voiture. Que l’on n’a pas renouvelé…

Mon chef va être tellement furieux, deux mille euros par mois et un abandon des dettes…

Si elle était au RSA j’aurais accepté sans problème, mais là je ne peux pas. En plus elle a une voiture, je l’entends déjà me demander pourquoi on ne la vend pas.  Et quand il saura qu’on a perdu notre garantie, je suis contente de ne pas être à l’origine de la bourde.

« Tu vas aller devant le juge ? »

Évidemment ! Le montant de ses ressources est supérieur à celui de ses charges. La commission a même trouvé le moyen de souligner qu’elle a une capacité de remboursement, alors je ne peux pas accepter un abandon des dettes !

Tu sais, quand je regarde mon parcours professionnel je me demande pourquoi je suis dans cette branche-là. Je me dis que, je serais peut-être plus à ma place à la commission de surendettement justement par exemple. Du moins, je l’ai pensé.

C’est bizarre mais je constate que c’est facile pour moi de trouver du travail dans cette branche.  Alors que je me suis aperçue que ce n’est pas forcément le cas de tous ceux qui le voudraient. Et donc je me dis que j’ai peut-être quelque chose à comprendre.

« Toi tu as perdu ton logement, à cause de tes dettes. »

Oui.

« Et tes dettes se sont envolées. »

Aussi oui.

« N’y a-t-il que les saisies immobilières qui te dérangent ? »

Non, toutes les saisies. Même sur salaire. Mais je suis payée pour intervenir quand toutes les démarches amiables ont échoué. Quand le dossier arrive entre mes mains, c’est pour faire ce qu’il y a à faire. Je ne négocie plus qu’exceptionnellement, si le client de bonne foi arrive avec une solution concrète et réaliste. Je ne lui cours pas après. Si quelqu’un nous doit vingt mille euros d’impayés sur un prêt de deux cent cinquante mille, un prêt garanti par un bien immobilier, il ne faut pas venir me trouver avec deux cent euros par mois. Il faut me dire je règle en trois ou quatre fois les impayés. Sinon je prononce la déchéance du terme et ce sont les deux cent cinquante mille que j’envoie l’avocat chercher.

« Ce qui te conduit à demander une saisie immobilière sur le bien pris en garantie au moment du prêt. »

Eh oui ! Si les gens n’ont pas vingt mille, ils n’auront pas deux cent cinquante mille, il faudra bien trouver l’argent quelque part. Au moins en partie.

« Toutefois quand le dossier arrive devant toi, il s’est passé du temps depuis le premier impayé. »

Souvent oui, il y a des règles. Tout dépend de la qualité du client, les particuliers ne sont pas traités comme les professionnels.

« Tu ne peux pas accepter plus qu’un règlement en trois ou quatre fois ? »

Si quelqu’un vient avec deux mille euros et s’engage à verser la même somme tous les mois tout en continuant à payer les échéances en cours, j’évite des frais de procédure, je peux accepter. Mais cela signifierait qu’en agence le travail n’a pas été fait correctement. Des solutions amiables sont proposées au client longtemps avant que le dossier nous soit adressé.

La vérité est que la banque aussi préfère la solution la moins contraignante et la moins onéreuse. Et c’est forcément l’amiable. En plus tu as vu les tarifs de certains avocats ?  Un de nos clients n’a toujours pas digéré la facture de onze mille euros qu’on a dû mettre à sa charge alors qu’il n’y a finalement pas eu de procès. Il prend trop cher.

Et quand je vois que le même avocat trouve le moyen de me faire parvenir un jugement erroné, à ma demande qui plus est car il avait oublié de nous l’adresser, je me dis qu’il se sent bien à l’aise. En plus il a déjà envoyé l’huissier signifié ce jugement entaché d’une erreur matérielle…

Il me refait tout et sans facturation supplémentaire, c’est lui qui s’est planté.

« Et avec les huissiers, tout se passe bien ? »

Eux aussi, des tarifs intéressants. La banque répercute tous les frais de procédure sur les dettes des clients. Mais bon, nous avons de bons rapports avec les huissiers. D’autant qu’on les reçoit aussi, pour la mise en œuvre des saisies sur les comptes de nos clients. On voit des tas d’huissiers dans une banque…

« Tu as deux casquettes, laquelle préfères-tu ? La répressive ou l’autre ? »

La répressive ou l’autre ? L’autre. Je préfère trouver des solutions plutôt que d’appliquer la seule solution.

« Et pour cette dame aux deux mille euros ? »

Nous allons faire une contre-proposition. Elle a une capacité de remboursement, je ne peux pas accepter l’abandon des dettes. Je veux bien un remboursement long au taux légal. C’est ce que je vais proposer. Mais je ne suis pas sure qu’on gagne.

Qu’il n’y ait pas de malentendu, je n’aurais rien dit si elle avait eu des dettes monstrueuses et gagnait à peine de quoi survivre. Mais ce n’est pas ce que montre son dossier.

« Si  à la suite de cet article un de tes lecteurs te fait part de ses difficultés, tu lui répondras ? »

Bien sûr, je lui donnerais des conseils si je peux. Mais si je puis me permettre, si quelqu’un ne sait plus comment s’en sortir avec ses dettes, avant de courir à la Banque de France, écrivez au directeur de l’agence bancaire. En recommandé avec accusé de réception. Et conservez une copie de la lettre et de l’AR. S’il reste sourd, aller voir un avocat. S’il n’y a pas d’issue, contactez la Banque de France.

Si c’est aux impôts que vous devez de l’argent, ne faîtes pas le mort même la Banque de France ne vous sauvera pas. Pas assez vite en tout cas. Envoyez un courrier en recommandé + AR assorti d’un mandat même minime (un minimum réaliste quand même) et d’une proposition concrète. 

Si vous devez à EDF, la société de gestion de l’eau, du téléphone, prenez contact avec un conseiller et montrez-vous sincère et conciliant. Si vous n’avez plus de capacité de remboursement, contactez la Banque de France.

Si vous devez à diverses boutiques, à la mutuelle, l’assurance, tenez compte du montant. Sachez qu’en dessous de mille euros d’impayés, malgré les menaces, il y a très peu de chance pour qu’on vous poursuive en justice. Aussi, payez les dettes les plus urgentes en premier.

Évitez de faire un prêt pour payer des dettes si vous êtes une personne dépensière ou que vous savez avoir besoin de choses urgentes. Vous allez vous servir de cet argent pour acheter de nouvelles choses et vous n’arrangerez pas votre situation.

Évitez de vivre sur votre crédit renouvelable.

Ne croyez pas qu’une autorisation de découvert soit un droit acquis. Je ne compte plus le nombre d’autorisation de découvert que j’ai dû faire sauter devant l’état de certains comptes. Ou alors parce que le client avait saisi la Banque de France. Un client en état de surendettement n’est plus un client fiable, quand bien même il serait fonctionnaire. 

La pratique du petit chèque salvateur en fin de mois pour faire ses courses juste avant que le salaire n’arrive, je pense que certains connaissent. Je ne juge pas au contraire je comprends, mais gare à l’habitude qui attire négativement l’attention du chargé de clientèle.

De la même manière, on repère vite le client qui dès le dix du mois entame son découvert autorisé. Encore une fois je ne juge pas, mais sachez que nous avons un système d’évaluation des clients…

Enfin quand l’huissier frappe à votre porte, il est inutile de lâcher le chien (ça s’est déjà vu), plus vous serez conciliant, moins il y aura de frais de procédure. N’oubliez jamais que les dits frais vous seront toujours imputés d’une manière ou d’une autre.

Dans tous les cas, face à des dettes, évitez de fuir Allez au devant des créanciers au contraire. Tous ne vous accueilleront pas bien. Mais faire preuve de bonne foi vous sera toujours plus bénéfique que l’inverse.

De même devant la convocation du tribunal, allez à l’audience, exposez vos difficultés au juge. Faîtes part de votre volonté de vous en sortir et de régler vos dettes et demandez de l’indulgence. Vous vous apercevrez alors que les juges sont plus souvent sensibles aux arguments du débiteur qu’à ceux du créancier.  

Quoiqu’il en soit, ne faîtes pas de mauvaises économies quand vous écrivez à un créancier. Faîtes une copie de vos courriers et envoyez -les en recommandé + AR, ils seront une preuve irréfutable de votre bonne foi. Je vous le recommande d’autant plus si c’est au fisc que vous écrivez. Par ailleurs, si vous êtes écrasé par le montant de la taxe d’habitation par exemple, souvenez-vous qu’il est possible d’écrire au médiateur de votre département afin de demander une réduction significative de la dette, arguments concrets à l’appui. Renseignez-vous en ce sens auprès de votre centre des impôts.

En dernier lieu, il n’y a aucune honte à chercher à se sortir d’une situation difficile. Ce n’est pas parce que vous aurez saisi la Banque de France que vous devez avoir un sentiment d’échec personnel. Tout le monde peut rencontrer des difficultés.

« Vous aimé dire que les voies du Seigneur sont impénétrables. Qui sait, peut-être que tout le monde est toujours à sa place ma belle Sylvie. »

Peut-être…

« Et peut-être que toute expérience a un sens. Tu verras. »

Merci Roéchel.

Bonne journée à tous )

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8 Commentaires

  1. miss x

    3 avril, 2014 à 18:19

    Nadia, ;)
    maintenant,fait y quelque chose. Moi j’étudie (je rigole pas) pour devenir prof en Afrique. Je monte mon projet , là. Je pense souvent à lui. Bises. M’lle X

  2. Saïda

    2 avril, 2014 à 23:21

    Bonsoir Sylvie,

    Merci pour les conseils, qui aideront sûrement …

    Je suis d’accord avec vous, Nadia ! Merci pour le coup de gueule:-)! Je suis heureuse de lire à nouveau que je ne suis pas la seule à sentir ça de notre société occidentale.

  3. crystallia

    2 avril, 2014 à 2:54

    Salut,

    Seeker, tu cherches les ennuis !

    Nadia, le soleil brille pour tout le monde oui, mais son intensité varie…

    Cam, je ne suis pas avocate non, peut-être un jour.

    Merci à tous.

    Bise ;)

  4. Camille

    1 avril, 2014 à 18:04

    Coucou

    Paf.
    Sylvie en avocate.
    Paf. Ca … c’est fait.

    Elles sont belles tes énergies, tu sais Sylvie, tu excelles aussi dans ton domaine … ca se sent.

    Bises

  5. Seeker

    1 avril, 2014 à 14:12

    Salut,

    Loubou..dins ?

  6. Nadia

    1 avril, 2014 à 11:39

    Bonjour,

    Merci pour cet article ainsi que pour vos conseils plein de bon sens pour sortir de cette spirale infernale qu’est l’endettement.

    « Le Code pénal est ce qui empêche les pauvres de voler les riches et le Code civil permet aux riches de voler les pauvres. » Emmanuel Carrére dans D’autres vies que la mienne…A lire

    A une autre époque ceux qui ne pouvait pas rembourser leurs dettes étaient emprisonnés.

    Dieu merci! Ce n’est plus le cas.

    « Pas par humanité, mais parce que l’entretien des prisonniers incombait à leurs créanciers, non à l’Etat, et que l’intérêt économique l’a emporté sur la satisfaction de voir le coupable puni. » E.C

    Nous pouvons donc avoir le plaisir de vous lire aujourd’hui, et j’en suis très heureuse puisque je vous lis depuis quelques années déjà!

    Mais je serais d’autant plus heureuse que « cette dame aux 2000E » trouve une solution qui LUI convienne AUTANT qu’à ces créanciers.

    Il est plus aisé pour les gens intelligents, instruis, cultivés, bien entourés et aimés…de faire valoir leurs droits, de s’acquitter de leurs devoirs et de ne pas se faire manipulés par des vendeurs/banquiers sans scrupules qui prennent un malin plaisir à se faire de l’argent sur le dos des pauvres, des faibles, des malades, des illettrés, des ignorants, des étrangers, des imbéciles…la liste est trop longue…

    Les éléments qui constituent un dossier de solvabilité ne sont peut-être pas les bons pour juger de la réalité d’une situation.

    Que dire des Africains riches en ressources naturelles (gaz, pétrole, uranium, diamants qui sont endettés jusqu’au cou sans même être au courant!
    Gloire à toi Maître Suprême (l’occident) qui S’enrichit et NOUS enrichis en affamant la moitié de la planète! Je suis choquée depuis mon plus jeune âge et morte de honte depuis que j’en suis consciente…

    Je décide aujourd’hui de ne plus entrer dans le moule que l’on m’a confectionné. C’est étroit…tellement étroit qu’il est difficile de respirer…je suffoque.

    Nous continuons à regarder toute cette misère en sachant que NOTRE SUPERFLU devrait être LEUR NECESSAIRE.

    On va me dire c’est au peuple de contester, « qui ne dis rien consent » difficile de contester lorsqu’on a ni à boire, ni à manger, pas de vêtements,pas de chaussures pour se taper 3h de marche dans la cambrousse pour espérer un pseudo avenir grâce à l’école…Que faire lorsque l’on a juste la peau sur les os?

    Désolé pour la longueur, désolé pour le coup de gueule mais notre monde me répugne et me donne chaque jour un peu plus envie de vomir!

    Je tiens néanmoins à vous souhaiter bonne chance(surtout bon courage!) pour votre nouveau travail et vous souhaite vivement d’en trouver un autre avant que celui-ci ne vous consume.

    Ce long commentaire n’a pas pour vocation de juger , ni de culpabiliser qui que ce soit.
    Je vis actuellement dans une maison certie d’architecte ou la piscine est tellement grande…remplit d’eau potable…pendant que mes frères et soeurs Ethiopiens crèvent de soif…Mais je préfère garder MON eau pour Ma piscine (cette maison ne m’appartiens pas au passage).

    SOL LUCET OMNIBUS, le soleil brille pour tout le monde.

    Il serait de bon ton de cesser de nous prendre pour des éclaireurs (pays « dits » civilisés)le siècle des lumières…MDR lorsqu’en fait on participe TOUS à plonger le monde dans l’obscurité!

    Pour finir il est vrai que c’est dans l’obscurité que l’on voit la lumiére…

    Bonne journée

    Nadia « un esprit malade ».

  7. crystallia

    1 avril, 2014 à 3:19

    Bon, parce que c’est toi, je veux bien acheter les Louboutin. Et je consens même à les porter !

    Bise ;)

  8. lapriereducompositeur

    1 avril, 2014 à 3:01

    Vraiment…, tu veux pas m’aider à être riche et célèbre?
    Il faut bien quelqu’un pour gérer les finances, acheter les louboutins et éviter les procès… Tout ça… :p huhuhu

    Des bisous

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